Grâce à la participation de la Suisse aux programmes-cadres de l’UE pour la recherche et l’innovation (PCRI), les acteurs nationaux de la recherche et de l’innovation peuvent s’intégrer dans un environnement compétitif international. La portée des PCRI va au-delà du simple encouragement financier. Vous trouverez sur cette page un recueil d’histoires de réussites suisses.
- Utiliser plus efficacement une énergie ancienne
- L’imprimante 3D avec un laser qui tiendrait dans une boîte à chaussures
- Réduction des émissions d’azote grâce aux plantes fourragères indigènes
- TABULA RASA dans le monde des systèmes biométriques
- Priorités des États sociaux: aide à la recherche de compromis
- Nouveaux moyens de combattre la pollution de l’eau
- Un vieillissement en bonne santé pour tous
- Des données sécurisées dans le cloud
Utiliser plus efficacement une énergie ancienne
- Hydropower plants PERformance and flexiBle Operation towards Lean integration of new renewable Energies
- Durée du projet: 09/2013 – 02/2017
- Nombre de partenaires du projet: 10, Nombre de pays: 6
- Budget total : € 6'294'644, Budget du partenaire suisse: € 1'628'270
L’histoire de l’énergie hydraulique ne date pas d’hier. Les historiens estiment qu’elle était déjà utilisée il y a 5000 ans en Chine. En 1866, Werner von Siemens a réussi à convertir pour la première fois l’énergie hydraulique en courant électrique. En 1880, la première centrale hydro-électrique a été mise en service en Grande-Bretagne. L’importance de l’énergie hydraulique comme source d’électricité a augmenté depuis lors, notamment grâce à son potentiel inépuisable de source d’énergie renouvelable. L’UE vient d’édicter une directive prévoyant l’augmentation massive du recours aux énergies renouvelables. Les centrales hydroélectriques devront jouer un rôle majeur pour respecter ces prescriptions ambitieuses.
«Le financement par l’UE a permis d’organiser une collaboration in-ternationale entre des acteurs-clés.»
Professeur François Avellan
EPF Lausanne (EPFL)
C’est ici qu’intervient le projet «HYPERBOLE». Son objectif était d’augmenter la capacité des centrales hydroélectriques et d’améliorer leur disponibilité à long terme. Pour cela, il fallait optimiser la dynamique des différents groupes hydroélectriques équipant ces centrales en considérant tous les aspects hydrauliques, mécaniques et électriques. Un consortium de hautes écoles, de constructeurs de turbines hydro-électriques comptant parmi les leaders du marché et d’une PME s’est donc constitué sous la coordination du professeur François Avellan de l’EPF Lausanne (EPFL). Le consortium s’est formé pour optimiser le domaine de fonctionnement des turbines hydroélectriques en faisant appel à la fois à des essais sur site et sur modèle réduit et à des simulations numériques de turbines hydroélectriques réelles; une grande attention étant portée à la validation expérimentale des résultats.
Sous la forme de publications et de thèses de doctorat, la contribution scientifique du projet «HYPERBOLE» est impressionnante. Quatre thèses ont été réalisées à l’EPFL, en accord avec sa mission de formation de personnel scientifique et technique spécialisé nécessaire à l’industrie et aux organismes publics. En outre, dans le cadre du projet, une première scientifique a été réalisée. Elle consistait à démontrer comment l’extension du domaine de fonctionnement des centrales de pompage-turbinage pouvait assurer leur rentabilité. Selon le professeur François Avellan, le projet «HYPERBOLE» a largement contribué au développement et à l’intégration des énergies renouvelables, favorisant ainsi la réalisation des objectifs stratégiques définis par l’UE dans son calendrier pour 2020. De plus, les machines et procédés développés dans ce projet constituent un avantage compétitif décisif pour la branche des fournisseurs d’équipements hydroélectriques européens. Ils permettent aux partenaires industriels du projet de conforter ou d’étendre leur position sur le marché mondial. L’implantation d’installations hydroélectriques neuves ou rénovées ainsi que le développement d’énergies renouvelables constituent un potentiel économique très intéressant.
Du point de vue suisse, le projet a consolidé la visibilité du Laboratoire de machines hydrauliques dirigé par le professeur François Avellan à l’EPFL en confirmant son rang parmi les laboratoires de recherche leaders dans le monde dans le domaine des turbines et pompes-turbines équipant les aménagements hydroélectriques. Enfin, la participation du Laboratoire de machines hydrauliques aux deux pôles de compétences suisses en recherche énergétiques SCCER SoE et Furies contribueront par les connaissances tirées du projet aux objectifs la Stratégie énergétique 2050 de la Confédération.
L’imprimante 3D avec un laser qui tiendrait dans une boîte à chaussures
- Femtosecond laser printer for glass microsystems with nanoscale features
- Durée du projet: 05/2010 – 04/2013
- Nombre de partenaires du projet: 9, Nombre de pays: 5
- Budget total: € 3'391'780, Budget du partenaire suisse: € 161'699
«Je remercie le programme-cadre de recherche européen. Sans lui, l’entreprise FEMTOprint n’existerait pas», a déclaré la cofondatrice et CEO Nicoletta Casanova. FEMTOprint SA est une entreprise high-tech tessinoise plusieurs fois récompensée et en croissance qui occupe actuellement une vingtaine de collaborateurs spécialisés.
«Le succès de FEMTOprint est un encouragement pour les institutions régionales du Tessin qui soutiennent davantage les entreprises qui participent à des projets de l’UE ou y posent leur candidature.»
Nicoletta Casanova
Cofondatrice et CEO
FEMTOprint SA
Le projet de recherche «Femtoprint» portait sur le développement d’une imprimante 3D pour la création de dispositifs miniaturisés en verre, appelés microsystèmes. L’imprimante devait permettre aux utilisateurs les plus variés provenant de centres de recherches, de petites entreprises et de hautes écoles de fabriquer rapidement leurs propres microsystèmes sans infrastructures coûteuses ni expertise spécifique.
«La technologie développée et constamment en évolution chez FEMTOprint ouvre de nouvelles perspectives intéressantes pour une multitude de microsystèmes avec des résolutions jusqu’au nanomètre», explique Nicoletta Casanova. L’imprimante Femtoprinter est capable de travailler le verre à l’aide d’impulsions laser ultracourtes, de l’ordre des femtosecondes, de sorte à «imprimer» les pièces souhaitées présentant des fonctionnalités mécaniques, fluidiques ou optiques de façon monolithique. Les applications d’une telle imprimante sont très variées en raison des innombrables propriétés utiles du verre employé comme matériau. Par exemple, le verre est biocompatible, très stable, insensible aux champs électromagnétiques, transparent et même flexible quand réduit à la taille micrométrique. La Femtoprinter permet ainsi de produire une variété de dispositifs précis destinés par exemple à l’horlogerie, aux biotechnologies, à l’optique ou aux télécommunications. L’imprimante séduit non seulement par ses performances, mais aussi par ses dimensions compactes: la version originale de son laser n’était pas plus grande qu’une boîte à chaussures.
En plus du développement technologique, l’élaboration d’un solide plan d’exploitation pour la commercialisation de la technologie Femtoprint constituait un autre objectif du projet étalé sur trois ans. La question de la propriété intellectuelle représente souvent ici un obstacle majeur lorsque les résultats du projet doivent être mis en œuvre dans une spin-off, par exemple parce que différents partenaires de différents pays ont des droits sur les résultats du projet. Le consortium du projet «Femtoprint» a résolu ce dilemme en proposant aux partenaires du projet un concours pour trouver la meilleure idée commerciale. «Le lauréat du concours reçoit les droits exclusifs pour l’utilisation de la technologie développée», déclare Nicoletta Casanova sur l’accord conclu à l’époque. En tant qu’entrepreneur avec expérience de startuper, elle a joué un rôle important dans l’équipe des vainqueurs.
Bien que le développement de la Femtoprinter était l’objectif principal du projet, la technologie mise au point a permis de produire d’autres produits commerciaux. Ceux-ci sont distribués par d’autres participants au projet ou sont sous licence attribués à des entreprises européennes.
Pour l’entreprise FEMTOprint aussi, le voyage continue, comme le souligne Nicoletta Casanova. «Intéressés à faire constamment évoluer la plateforme technologique Femtoprint, nous présentons régulièrement notre candidature pour des projets européens ou sommes fréquemment contactés par des hautes écoles ou des entreprises pour participer à des projets de recherche communautaires.»
Réduction des émissions d’azote grâce aux plantes fourragères indigènes
- Optimising plant polyphenols in LEGUMES for ruminant nutrition PLUS health PLUS environ-mental sustainability
- Durée du projet: 01/2012 – 12/2015
- Nombre de partenaires du projet: 8, Nombre de pays: 6
- Budget total: € 4'097'982, Budget du partenaire suisse: € 751'172
Le changement climatique et la forte croissance démographique sont autant de défis mondiaux qui mettent en péril la garantie à long terme de la sécurité alimentaire. Une production fourragère et un affouragement des ruminants efficaces constituent un moyen d’écarter cette menace. Le projet «LegumePlus», lancé en 2012 par le programme-cadre de recherche européen, montre qu’il n’est pas toujours indispensable de réinventer la roue.
«Un tel projet offre une plateforme idéale pour des coopérations internationales, intersectorielles et interdisciplinaires.»
Frigga Dohme-Meier
Cheffe du groupe de recherche à l’Institut de recherche Agroscope
«Le projet a permis de redécouvrir le potentiel des légumineuses fourragères à forte teneur en tanins, telle l’esparcette, pour la production animale» récapitule Frigga Dohme-Meier, cheffe du groupe de recherche à l’Institut de recherche Agroscope. L’esparcette, une plante indigène, compte parmi les légumineuses qui peuvent fixer l’azote de l’air et donc remplacer les apports d’engrais. Outre ces vertus, elle fournit un fourrage grossier très riche en protéines et contient des tanins. Mais aujourd’hui, elle est quasiment tombée dans l’oubli. Les chercheurs sont parvenus à démontrer que l’esparcette produit moins d’émissions d’azote dans l’atmosphère en comparaison avec les plantes fourragères qui ne contiennent pas de tanins et qu’elle contribue également à améliorer la qualité du lait et de la viande des ruminants, ce qui est bénéfique pour la santé humaine. De plus, la capacité des légumineuses à réduire les émissions de gaz à effet de serre au travers du système digestif des animaux ainsi que leur culture respectueuse de l’environnement et des ressources permet une production plus durable des protéines fourragères autochtones. En s’appuyant sur les résultats du projet, Agroscope a développé un nouveau mélange de semences à base d’esparcette, qui est désormais à disposition des agriculteurs pour la production fourragère.
De l’avis de Frigga Dohme-Meier, la forte mise en réseau des chercheurs, l’intersectorialité et l’interdisciplinarité ont contribué au succès du projet en favorisant une approche globale du problème et de sa solution. Le projet a été financé par le programme Actions Marie Sklodowska-Curie, un instrument d’encouragement des programmes-cadres de recherche européens spécialement destiné à promouvoir la relève scientifique. «L’encouragement des jeunes chercheurs a été une expérience très stimulante pour les accompagnateurs», déclare Frigga Dohme-Meier. Les doctorants ont obtenu une aide financière conséquente et un haut niveau de soutien. L’opportunité leur a également été offerte de participer à des rencontres internationales et d’acquérir, pendant six mois, des expériences dans diverses disciplines au sein de groupes de recherche à l’échelle européenne.
Les effets positifs perdurent après la fin du projet. Il est réjouissant de voir que le réseau de recherche continue de croître. Les postes de niveau postdoctoral que les anciens doctorants occupent dans des groupes de recherche européens leur permettent de nouer de nouveaux contacts et leur ouvrent des possibilités de collaboration intéressantes. Le sujet a en outre été intégré dans un programme de recherche d’Agroscope (REDYMO) afin de poursuivre les recherches sur l’interaction entre les tanins et le microbiome intestinal. Il s’agit de mettre à profit l’activité antibactérienne de ces substances en vue de réduire l’usage des antibiotiques dans l’élevage.
TABULA RASA dans le monde des systèmes biométriques
- Trusted Biometrics under Spoofing Attacks
- Durée du projet: 11/2010 – 04/2014
- Nombre de partenaires du projet: 12, Nombre de pays: 7
- Budget total: € 5'567'257, Budget du partenaire suisse: € 737'886
«TABULA RASA a engendré de nombreux projets secondaires qui ont été soutenus dans le cadre du septième PCR et d’Horizon 2020 ainsi que par des agences de promotion nationales dans toute l’Europe.»
Sébastien Marcel
Institut de recherche Idiap
Martigny (VS)
Le projet «TABULA RASA» coordonné par Sébastien Marcel de l’institut de recherche Idiap de Martigny (VS) avait pour but, d’une part, d’étudier un maximum de points faibles de ces systèmes biométriques et, d’autre part, de développer des mesures correctives telles que la combinaison de caractéristiques biométriques pour l’accès aux données. Enfin, le projet visait à mettre au point une nouvelle génération de technologies biométriques sûres capables de résister aux tentatives directes d’usurpation d’identité. Pour atteindre ces objectifs, les auteurs du projet ont étudié des données biométriques peu utilisées jusqu’ici telles que la façon de marcher et les veines ou des signaux électrophysiologiques comme les battements cardiaques. Les avantages et inconvénients des différentes données ont été analysés.
Les tout premiers systèmes et méthodes d’évaluation harmonisés ont été développés dans le cadre du projet «TABULA RASA». Ils sont désormais utilisés par de nombreux chercheurs en biométrie, mais ont aussi contribué à la définition de normes telles qu’ISO / IEC 30107.
Les publications, jeux de données, algorithmes et méthodes d’évaluation issus du projet ont changé la manière de penser de la branche. Les connaissances approfondies sur l’usurpation d’identité ont permis à l’industrie européenne de conforter sa position dominante en améliorant la conception de prochains capteurs biométriques résistant à l’usurpation d’identité et en exploitant ainsi l’énorme potentiel de la technologie biométrique. Le projet a aussi fait des vagues dans le monde entier: Apple a ainsi développé une variante plus sûre de son système de reconnaissance faciale (iPhone X FaceID) grâce aux résultats du projet.
Les systèmes améliorés offrent non seulement des appareils et informations sûrs, mais aussi des connexions plus rapides aux terminaux informatiques ou des contrôles aux frontières plus rapides et plus précis. «Nous pensons que beaucoup d’organisations différentes sont intéressées par nos recherches, notamment des entreprises de technologie, des opérateurs postaux, des banques, des fabricants d’appareils mobiles ou des prestataires de services en ligne», affirme Sébastien Marcel. Le partenaire industriel suisse, l’entreprise KeyLemon, a pu profiter durablement du projet grâce au savoir-faire et à la création de postes de travail.
Le projet «TABULA RASA» exerce une influence à long terme sur le groupe de recherche de Sébastien Marcel: «Suite à ce projet, nous avons reçu beaucoup d’autres projets portant sur l’usurpation d’identité. Notre groupe de recherche a également pu collaborer à des projets confidentiels de grandes entreprises et à l’amélioration ou à l’évaluation de techniques de reconnaissance pour les tentatives de falsification biométrique.» Le canton du Valais et la ville de Martigny ont soutenu la création du «centre suisse de recherche et d’évaluation en sécurité biométrique». Ce centre a pour but de développer des activités de test biométrique et, en particulier, leur certification. Entretemps, le groupe de recherche «Biometrics Security and Privacy» de l’Idiap s’est fait connaître dans le monde entier pour ses activités de pionnier dans la détection des attaques biométriques.
Priorités des États sociaux: aide à la recherche de compromis
- Welfare state politics under pressure: Identifying priorities, trade-offs and reform opportunities among citizens, political and economic elites
- Durée du projet: 09/2017 – 08/2022
- Nombre de partenaires du projet: 1, Nombre de pays: 1
- Budget total: € 1'474'133, Budget du partenaire suisse: € 1'474'133
Lorsqu’il s’agit de serrer la ceinture, les politiques des États sociaux sont contraintes de prendre des décisions difficiles et de consentir à des compromis: quels sont les risques que la solidarité sociale doit couvrir lorsque les ressources sont limitées? L’État social doit-il accorder la priorité aux besoins des personnes âgées ou à ceux des jeunes? À ceux des employés ou des sans emploi? Des populations autochtones ou des immigrants?
«Dès ses toutes premières phases, le projet a suscité un grand intérêt auprès des partis politiques et des décideurs, ainsi que des médias.»
Professeure Silja Häusermann
Université de Zurich
Les réponses à ces questions clés dépendent des priorités des citoyens, ainsi que des décideurs politiques et économiques. On n’en sait cependant encore que très peu sur ces priorités, leurs facteurs d’influence et encore moins sur les mécanismes qui favorisent la solidarité sociale et permettent de dégager des compromis dépassant les intérêts particuliers.
C’est le point de départ du projet «Welfarepriorities» soutenu par le Conseil européen de la recherche (ERC) et conduit par la professeure Silja Häusermann de l’Université de Zurich. Par des voies novatrices, tant au niveau théorique que méthodologique, le projet a pour but d’acquérir de nouvelles connaissances sur les coalitions politiques et les lignes de conflits qui caractérisent la politique sociale du 21e siècle. Il s’agit également de développer de nouvelles approches quantifiantes pour mesurer les préférences et les priorités des divers acteurs en jeu et de les valider dans le but de créer une base de données sur les priorités des citoyens et des partis politiques. L’objectif est aussi de récolter des informations importantes sur la faisabilité de certaines réformes, comme par exemple la promotion de l’éducation de la petite enfance ou la garantie des rentes de vieillesse, ainsi que sur le type de politique sociale qui trouve un accueil favorable auprès de certains électeurs. Globalement, les résultats devraient contribuer à la recherche de compromis soutenables du point de vue politique pour l’ensemble de la population.
«Grâce à la grande visibilité qu’offre une bourse ERC, tant au sein de sa propre université que de la communauté des chercheurs, le projet, qui serait sinon peut-être passé inaperçu, attire l’attention de nombreux acteurs», déclare Silja Häusermann. Dans son cas, cette visibilité lui a permis, d’une part, de pouvoir présenter le projet dans le cadre de nombreuses conférences en Suisse et à l’étranger, et, d’autre part, d’être invitée à participer à divers mandats de recherche collectifs dirigés par des consortiums nationaux et internationaux et à siéger au sein de plusieurs commissions académiques. De plus, elle a été sollicitée pour des missions en dehors du domaine académique, notamment par des comités consultatifs de groupes de réflexion et d’organisations de la sécurité sociale. Bien que le projet n’ait été lancé qu’à l’automne 2017, les premiers résultats ont déjà été relayés dans la presse, auprès du public ainsi qu’auprès des partis et des décideurs politiques, par exemple par le biais d’une contribution à une rencontre avec les ministres germanophones des affaires sociales. En plus des connaissances scientifiques acquises et de leur impact sur la politique d’aide sociale, le soutien du Conseil européen de la recherche n’offre que des avantages, selon Silja Häusermann. «Grâce à une bourse d’études ERC, on dispose du temps et des ressources pour satisfaire à toutes les ambitions scientifiques que l’on souhaite poursuivre. On se sent comme un poisson dans l’eau.»
Nouveaux moyens de combattre la pollution de l’eau
- Microorganism and enzyme Immobilization: Novel Techniques and Approaches for Upgraded Remediation of Underground-, wastewater and Soil
- Durée du projet: 01/2011 – 12/2013
- Nombre de partenaires du projet: 16, Nombre de pays: 8
- Budget total: € 3'914'682, Budget du partenaire suisse: € 494'137
L’industrie, l’agriculture et notre mode de vie moderne laissent des traces dans l’environnement. Des produits chimiques industriels, des résidus pharmaceutiques et des produits d’hygiène corporelle peuvent se retrouver dans presque tous les compartiments du cycle de l’eau. Les eaux usées des ménages et de l’industrie contiennent par exemple des résidus de médicaments comme des antibiotiques, des hormones et des composants organiques. Cette pollution constitue une menace non seulement pour la santé des hommes et des animaux, mais aussi pour l’approvisionnement de la population en eau potable dans certaines régions du monde.
«Il est extrêmement utile de participer à des projets et à des coordinations à l’échelle européenne pour accroître la visibilité de nos recherches.»
Professeur Philippe Corvini
Directeur de l’Institut d’écopreneurship à la Haute École des sciences de la vie FHNW
Le projet MINOTAURUS a cherché à apporter des solutions à ce problème. Ce projet collaboratif européen a été coordonné par les professeurs Philippe Corvini et Thomas Wintgens de la Haute École des sciences de la vie, affiliée à la Haute école spécialisée de la Suisse du Nord-Ouest (FHNW). Directeur de l’Institut d’écopreneurship à la Haute École des sciences de la vie FHNW depuis 2007, le professeur Corvini souligne l’importance de participer à des projets du programme-cadre de recherche de l’Union européenne (PCR) pour un jeune institut comme celui qu’il dirige: «Les projets PCR nous ont conféré une visibilité aux niveaux national et international. Ils ont contribué à nous établir comme institution mondialement reconnue dans le domaine des technologies de l’environnement et de l’eau.»
Le projet MINOTAURUS a permis de montrer que les méthodes de traitement biologique des eaux telles que la bioremédiation sont d’excellents moyens de réduire les polluants dans l’eau. La bioremédiation consiste à décontaminer les milieux pollués (eaux, sols et air) au moyen de techniques faisant intervenir des microorganismes ou d’autres organismes vivants (p. ex. plantes ou algues). Ces procédés utilisent soit des cellules entières, soit des parties de cellules, à savoir des enzymes. Une enzyme est une macromolécule biologique capable de catalyser des réactions chimiques, comme la dégradation d’un polluant.
Le projet MINOTAURUS a étudié la question de savoir si l’immobilisation de biocatalyseurs permettait d’intensifier biologiquement la dégradation de polluants. Les chercheurs ont identifié ou isolé des biocatalyseurs adaptés (des enzymes, des bactéries ou un consortium de microorganismes) pour différents composés cibles. Pour la première fois, ils ont pu démontrer que, dans certaines conditions, les bactéries se nourrissent d’antibiotiques et qu’elles peuvent donc être utilisées aussi pour leur élimination. Cette découverte révolutionnaire ouvre des perspectives inédites et prometteuses dans la lutte contre la résistance des bactéries aux antibiotiques, reconnue aujourd’hui comme un risque sanitaire important.
Les biocatalyseurs identifiés ont été testés tout d’abord en laboratoire, puis sur le terrain pour évaluer leur efficacité dans l’épuration biologique d’eaux souterraines et d’eaux usées. Mais le projet ne s’est pas arrêté là: les chercheurs ont également développé des systèmes de réacteurs innovants spécialement adaptés à des biocatalyseurs immobilisés. Leurs travaux ont permis de rendre cette nouvelle technologie environnementale «mobile» pour qu’elle puisse être utilisée dans des sites pollués afin d’éviter une dispersion incontrôlée des eaux polluées. L’utilité de la technologie et des réacteurs a finalement été longuement testée dans le but de déterminer leur efficacité dans le traitement des eaux, les éventuels risques qu’ils comportaient et leur conformité aux directives de l’UE régulant le secteur de l’eau.
En résumé, le projet MINOTAURUS a démontré que l’utilisation d’enzymes de microbes naturels et à des fins de remédiation réduit la consommation générale d’énergie et de produits chimiques, mais aussi les coûts et l’empreinte carbone. Les connaissances acquises au cours du projet ont en outre permis de jeter les bases de l’entreprise INOFEA AG, une spin-off de la Haute École des sciences de la vie FHNW.
Un élément central des projets PCR est la diffusion des résultats. Les connaissances scientifiques ne doivent pas être uniquement publiées dans des revues spécialisées, mais aussi mises à la disposition du grand public. Les principaux enseignements du projet MINOTAURUS ont ainsi été réunis dans un ouvrage. S’il ne tenait qu’à Philippe Corvini, les décideurs en Europe devraient être encore mieux informés des conclusions des projets PCR. Cela permettrait d’accroître leur utilité pour la société et l’économie.
Un vieillissement en bonne santé pour tous
- Lifecourse biological pathways underlying social differences in healthy ageing
- Durée du projet: 05/2015 – 04/2019
- Nombre de partenaires du projet: 17, Nombre de pays: 11
- Budget total: € 7'259'113, Budget du partenaire suisse: € 841'525
Diverses études montrent que les différences dans les conditions de vie sociales, économiques et écologiques peuvent conduire à de grandes inégalités en matière de santé. Les personnes désavantagées sont plus enclines à développer des maladies comme par exemple le diabète. Elles affichent également un taux de mortalité plus élevé et, par conséquent, une espérance de vie plus courte.
«À ce jour, LIFEPATH a été l’une des expériences les plus enrichissantes de ma carrière.»
Silvia Stringhini
Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV)
L’objectif du projet LIFEPATH était d’identifier les mécanismes biologiques qui favorisent le vieillissement en bonne santé et qui sont influencés par les conditions socio-économiques. Quinze équipes de projet représentant plus de dix pays ont étudié les traces biologiques qui subsistent dans le corps humain lorsque celui-ci est exposé à des facteurs socio-économiques donnés. Silvia Stringhini du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) a également participé au projet. Avec ses collègues, elle a recueilli dans le monde entier des données de plus de 40 études de cohortes menées avec près de deux millions de participants. L’objectif final du projet était de promouvoir l’idée d’une approche équitable et équilibrée de la santé fondée sur des preuves scientifiques et de réduire l’impact des différences socio-économiques. Par exemple, il a été démontré qu’outre les facteurs matériels, le stress psychosocial, en particulier chez les enfants et les groupes d’adultes vulnérables, est susceptible d’être un facteur clé dans l’émergence des inégalités en matière de santé. Des mesures appropriées peuvent influer sur les conditions socio-économiques et contribuer ainsi à un vieillissement en meilleure santé. Le projet LIFEPATH a permis de formuler diverses propositions concernant le moment où des mesures doivent être prises et la nécessité d’adopter une approche intégrée pour que tout un chacun puisse vieillir en bonne santé.
Les résultats aident à combler l’écart du point de vue de la santé entre les groupes défavorisés et les groupes économiquement mieux lotis. Ils servent également à élaborer, à l’échelle mondiale, de futures politiques et stratégies de santé visant à assurer le plus tôt possible un accès égal et universel à la prévention et à garantir la couverture sanitaire.
Le projet a non seulement fait l’objet d’un grand nombre de publications dans les revues scientifiques, mais il a aussi été très largement relayé dans les médias. Silvia Stringhini mentionne également d’autres points positifs: «Grâce à ce projet, nous avons pu créer un réseau important dans plusieurs pays et consolider l’importance de cette discipline en Suisse. Le réseau restera en place jusqu’à la fin de ma carrière académique.» Fort de son succès, le consortium du projet a déjà soumis d’autres demandes pour des projets de recherche conjoints. Selon Silvia Stringhini, les projets de recherche financés par l’UE offrent la possibilité de collaborer avec des chercheurs européens et du monde entier. Cet énorme avantage permet de replacer les questions dans la bonne perspective et d’établir des relations scientifiques au-delà des frontières.
Des données sécurisées dans le cloud
- Secure Big Data Processing in Untrusted Clouds
- Durée du projet: 01/2016 – 12/2018
- Nombre de partenaires du projet: 7, Nombre de pays: 6
- Budget total: € 2'285'377, Budget du partenaire suisse: € 537'000
«À moyen terme, le projet pourrait entraîner des adaptations législatives.»
Pascal Felber
Université de Neuchâtel
Le projet «SecureCloud», auquel a participé le prof. Pascal Felber de l’Université de Neuchâtel, avait pour but de mieux sécuriser le nuage. L’approche prometteuse adoptée pour ce faire était de rendre les données illisibles au moyen du cryptage, tout en offrant la possibilité d’effectuer des calculs directement sur les données cryptées dans un environnement sécurisé. Grâce à la technologie développée dans le cadre du projet, le fournisseur du cloud lui-même ne peut ni lire ni utiliser les données stockées. Ainsi, même les données enregistrées sur des clouds peu sûrs sont protégées des intrusions.
Le projet est un franc succès. Une première start-up a déjà été créée pour exploiter la technologie développée. Le projet est également une réussite au sens d’échange interculturel: outre deux chercheurs suisses, il a réuni un partenaire allemand, un britannique, un danois, un italien, un israélien et sept brésiliens. Pascal Felber estime que «ce genre de projets communs est enrichissant et porteur, bien que la distance et le décalage horaire constituent un défi».
Pour Pascal Felber et son équipe, la participation active de l’industrie a été un important facteur de motivation. Il en découle une recherche appliquée dans une plus large mesure, dont les résultats pourraient avoir une influence considérable sur l’industrie et la société. À moyen terme, le projet pourrait même entraîner des adaptations législatives. Pour l’heure, en Suisse, il n’est par exemple pas autorisé de stocker les données de patients en dehors des frontières nationales et, de ce fait, sur le cloud. Si, en Suisse, le cloud devenait plus sûr ou même plus sécurisé qu’un serveur grâce à la nouvelle technologie, il conviendrait d’étudier une levée de cette interdiction.