La digitalisation et les compétences de recherche en Suisse
Que l’on soit «digital native» ou pas, la numérisation nous concerne tous: par ses effets dans notre vie quotidienne de citoyens et de consommateurs, mais aussi par ses effets sur l’économie. Il est vrai que de nombreuses innovations actuelles reposent sur des technologies digitales (p. ex. logiciels, big data) issues de la recherche scientifique. Les capacités de recherche en matière de digitalisation sont ainsi déterminantes pour une économie innovante. Au fait, où en est la Suisse dans ce domaine?
L’une des façons de répondre à cette question consiste à comparer les performances de la Suisse avec celles des autres pays en matière de publications dans les domaines de recherche proches de la digitalisation. Il s’agit surtout des sciences informatiques et électroniques, de la robotique et de l’intelligence artificielle ainsi que des mathématiques (rapport du SEFRI: voir informations complémentaires dans le rapport SEFRI 2018).
Des publications suisses à fort impact
La Suisse publie un peu plus de 1000 articles scientifiques par année – provenant pour la plupart des écoles polytechniques – dans les six domaines de recherche en lien avec la digitalisation (voir graphique 1). Mesurée en termes d’intensité (publie-t-elle plus ou moins de publications par rapport à la moyenne mondiale?) et d’impact (ses publications sont-elles souvent citées ou pas?), la prestation de la Suisse est hétérogène:
- La Suisse présente une intensité de publications inférieure à la moyenne mondiale sauf pour «Computer Science & Engineering», alors que
- la réception de ses articles par les milieux scientifiques (c’est à-dire leur impact) est très bonne dans la moitié des domaines observés («Engineering Management / General», «Information Technology & Communications Systems» et «Mathematics»).
Étant donné sa petite taille, la Suisse ne peut naturellement pas concurrencer les grands pays comme les États-Unis ou la Chine en termes de volume de publications (voir graphique 2). Par contre, en ce qui concerne l’impact et l’intensité, elle n’a rien à leur envier.
Le profil de la Suisse ressemble beaucoup à celui de l’Allemagne, ce qui s’explique probablement par la proximité de leurs économies et de leurs systèmes de recherche et d’innovation. Comparable à la Suisse du point de vue du nombre de publications, Singapour se distingue par une intensité de publications très importante et par une forte audience internationale.
Un grand nombre d’activités en cours
Les prestations de la Suisse sont en progression depuis quelques années, comme le montre l’évolution des domaines «Computer Science & Engineering», «Engineering Management / General», «Engineering Mathematics» et «Mathematics» (graphique 1).
Ces résultats indiquent qu’en comparaison internationale, la Suisse n’est pas en retard en matière de numérisation. L’IMD la classe d’ailleurs au 5ème rang mondial en termes de compétitivité digitale (IMD, the World Digital Competitiveness Ranking 2019). Non seulement certains secteurs économiques traditionnels comme celui des machines sont très avancés, mais de nombreuses initiatives politiques et académiques sont également en cours dans le pays. Par exemple, le Conseil fédéral a chargé le DEFR (SEFRI) de mettre sur pied un groupe de travail interdépartemental qui doit lui proposer des actions afin d’améliorer la compétitivité de la Suisse en matière d’intelligence artificielle. Par ailleurs, le Fonds national suisse a lancé un nouveau programme national de recherche «Transformation numérique» en complément du programme «Big Data». Enfin, les hautes écoles ont réagi aux conclusions du rapport «Plan d’action dans les domaines FRI pour les années 2019 et 2020» en créant plusieurs postes de professeurs dans les différents domaines informatiques (pour une vue d’ensemble des initiatives en cours, voir SEFRI News 3/19).
Ceci dit, il est nécessaire de rester vigilant dans les domaines où le passage de la recherche fondamentale à l’application est très rapide (comme c’est par exemple le cas avec l’intelligence artificielle), et où l’on risque vite de perdre la course à l’innovation. La Suisse doit donc bien choisir ses alliances et être présente dans les projets internationaux, qu’ils soient européens ou extra-européens.